Chuzeville Thierry

PRESENTATION ET DEMARCHE CREATIVE

Chuzeville Thierry.
artiste photographe plasticien Tel / 06 41 86 25 05
Vie et travaille dans le Loire et Cher . Vendôme 


Souvent, Thierry Chuzeville installe sa chambre dans son jardin. Il a abandonné ses appareils reflex pour se consacrer aux techniques anciennes : prises de vue à la chambre, sur plaque de verre, procédé appelé collodion humide, Ambrotype sur verre et Ferrotype sur acier.

Voici des photographies de nature. Ici, un arbre aux noirs profonds, au feuillage précis comme une dentelle. Imposant, pile au milieu de l'image carrée (depuis longtemps, le carré est son format unique). Le grand chêne hurle toute la force de l'éternité et chuchote le bruissement délicat de ses fines feuilles. Ailleurs, un antique landau d'enfant, figé dans un sous-bois. Il y a des feuilles mortes et de jeunes ronces au sol, un arrière-plan flou et lumineux. Les taches de soleil, sur la capote à demi-dépliée, répondent aux trouées éclairées. L'ambiance est douce, comme un conte pour enfants dans lequel un bébé abandonné serait choyé par de bonnes fées. Plus loin, une image pleine de mystère, une nature morte. Une ancienne balance à deux fléaux est prise dans une lumière étrange. Elle défie le temps et bouscule le sens commun : on dirait de la neige sur un des plateaux, mais cette neige est plus lourde que la pile des vieux livres sur l'autre plateau. Et ces sortes de flocons lumineux en arrière-plan : n'y devine-t-on pas le regard d'une chouette ou d'un hibou? On est à la fois dehors et dedans, c'est en même temps le jour et la nuit.

Thierry Chuzeville montre et cache dans le même geste artistique, il fige le temps, pose un regard sensible sur les lieux et les objets qui l'entourent, où se mêlent tendresse et nostalgie. Sans refuser une part de mystère, comme cette photographie d'une sorte de tête enveloppée de papier journal maintenu par une ficelle de boucher. A chacun d'imaginer ce qui se dérobe aux regards.

"J'ai commencé par travailler en argentique noir et blanc, raconte-t-il. Bien sûr, je réalisais les tirages moi-même".

Il pratique la photographie depuis toujours. Ses parents, commerçants, avaient chacun leur magasin. Lui, fils unique, avait reçu un Instamatic 110. La photographie pour tromper l'ennui d'un enfant solitaire…

A 16 ans, il part en apprentissage, dans la restauration, à Paris. "Avec ma première paie je me suis acheté un 24x36, un Nikon, d'occasion". Et, tout de suite, l'adolescent a un regard particulier sur sa matière photographique. Ce qui lui importe, c'est le moment de la prise de vue, mais pas le résultat. "J'ai un grand nombre de pellicules de cette époque, qui n'ont jamais été développées".

Il n'a jamais pratiqué le portrait. Il a pourtant fait un bref passage aux studios Harcourt, quand il avait 30 ans.

"J'y ai surtout effectué du travail de laboratoire. J'adorais ça, le tirage des photographies. D'une photographie un peu plate, on peut réaliser un très beau tirage, lumineux, intense et exprimer une pensée… Et puis j'éprouve de l'attrait pour l'ambiance un peu carcérale du laboratoire".

Ses thèmes?

Beaucoup de paysages, on l'a vu. Et toujours des sujets immobiles. Il a par exemple mené un ample travail sur des machines à usiner.

Que s'est-il passé en 2020, lors des confinement? "On avait le temps de suivre une idée, sans objectif d'exposition. J'allais tous les matins dans mon atelier, en ayant le temps de faire plein de tests".

Il montre un recoin de la pièce. "J'attends que la lumière vienne par cette fenêtre, le cadeau de la lumière qui traverse le verre".Il dispose alors d'une heure ou deux, selon la saison pour capturer une nature morte mise en scène, sans éclairage artificiel.

Cette technique, l'ambrotype, qui est tellement dépendante de l'instant, s'apparente à l'éternité, par son étymologie, par son côté hors du temps et par l'ambiance nostalgique qui se dégage des photographies de Thierry Chuzeville. Des photographies qui oscillent entre la perfection et l'humilité. La perfection, c'est la finesse de l'image, l'absence quasi totale de grain: "Il faut donc beaucoup de lumière, ce qui implique de longs temps de pose. Mon style de prise de vue se concentre sur un seul plan. Il y a un point net, et le reste est flou. Je veux aller à l'essentiel. L'essentiel est peu de chose. Et tout le reste, on l'imagine". C'est l'humilité et l'humanité du flou.

La faible profondeur de champ est sa signature, sauf pour les paysages, bien entendu. En montrant la photographie d'une structure métallique privée de toit, qui abrita jadis une forge. Il aime cet ancrage dans le temps, l'impossibilité d'un retour en arrière.

Il aime aussi, dans sa pratique actuelle de l'ambrotype, l'autonomie que cette technique lui procure. "C'est de la chimie pure. Avec du verre à vitre, je fabrique mon négatif. Je ne suis pas tributaire d'un labo, j'achète tout simplement mes produits en pharmacie." Quand il vend ses plaques de verre, il se défait de ses négatifs, rendant impossibles des tirages ultérieurs. "Je vends ma source, pour continuer, il faut refaire".

Artiste, Thierry Chuzeville est paradoxal. Dans ses travaux récents, appelés les ordinaires, il photographie un bol, des draps qui sèchent sur un fil. Mais, dans la vie quotidienne, il n'a jamais d'appareil photographique sur lui, il ne photographie aucun souvenir de famille.

Pour lui, la photographie est vraiment un travail. Un moyen d'expression, une parole de l'âme.

Anne KIESEL, Journaliste découvrant l'atelier du photographe